Une trentaine de policiers ont été blessés dimanche soir, dont deux sérieusement par des tirs de pistolets à grenaille à Grigny en Essonne. Incendies de véhicules et attaques de bâtiments publics avaient repris dès dimanche après-midi en province et se sont prolongés pour la 11e nuit consécutive.
Alors que les groupes de casseurs semblaient éviter le contact avec les forces de l'ordre au cours des nuits précédentes, des affrontements violents se sont produits dans la nuit de dimanche à lundi, à Grigny dans l'Essonne notamment. Trente-quatre policiers ont été légèrement blessés lors de cette onzième nuit de violences en France, 1408 véhicules incendiés et 395 personnes interpellées, selon les chiffres de la direction générale de la police nationale. Deux CRS, en particulier, ont été la cible de tirs de grenaille à la cité de la Grande Borne à Grigny.
Le ministre de l'Intérieur leur a rendu visite dès dimanche soir à l'hôpital d'Evry. Nicolas Sarkozy a déploré que ces tirs visaient la tête des fonctionnaires. "Ce sont donc bien des voyous", a-t-il lâché avant de se rendre à la cité des Tarterêts à Corbeil-Essonnes où une cinquantaine de jeunes masqués ont tenté de projeter un véhicule sur un car de CRS situé en contrebas d'une route. Une école a aussi été incendiée à Savigny-sur-Orge et une crèche à Saint-Maurice (Val-de-Marne).
Toujours en région parisienne, la trésorerie principale de Trappes (Yvelines) a été incendiée tandis qu'un centre social a été ravagé à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Dans les Hauts-de-Seine, un entrepôt pharmaceutique de Suresnes a été touché ainsi qu'un studio de production de 3000 m2 sur les quais de la Seine à Asnières-sur-Seine, sans qu'on puisse faire avec certitude un lien avec les émeutes. Le studio abritait une partie des décors du "Maître du zodiaque", la grande série d'été de TF1 actuellement en tournage.
"Le dernier mot doit revenir à la loi"
En province aussi, le nombre d'incidents signalés est en hausse, au Havre, à Rouen, Nantes, Blois, Tours, Toulouse, Strasbourg, Mulhouse et Colmar, notamment. Outre un nombre croissant de véhicules incendiés, deux églises ont été touchées par des engins incendiaires : Saint-Edouard à Lens (Pas-de-Calais) et le presbytère de l'île de Thau à Sète (Hérault). De nombreux établissements scolaires ont été pris pour cibles : une école maternelle à Nantes, une école à Strasbourg, une classe dans le quartier le Bois Blanc à Lille, deux autres à Saint-Etienne, une école primaire et maternelle de La Tour du Pin (Isère). Les bâtiments de la police n'ont pas été épargnés avec un bureau de police à Clermont Ferrand totalement détruit tandis qu'à Perpignan, un véhicule en feu a été projeté sur le poste de police du Moulin-à-Vent.
En début de soirée, le président Jacques Chirac était sorti de sa réserve en demandant le "rétablissement de la sécurité et de l'ordre public". Le président de la République, qui s'exprimait à l'issue d'un Conseil de sécurité intérieure tenu au lendemain de dégradations record (1300 véhicules brûlés dans la nuit de samedi à dimanche, plus de 310 arrestations), a également insisté sur le "respect de chacun, la justice et l'égalité des chances". "Le dernier mot doit revenir à la loi", a-t-il martelé (lire : "Le dernier mot doit revenir à la loi").
"Se conformer à la fatwa"
Le Premier ministre Dominique de Villepin a de son côté annoncé "un renforcement des forces de sécurité partout sur le territoire où cela est nécessaire" et une "accélération des procédures de justice" afin notamment de "faire en sorte que les individus interpellés puissent être déférés devant les tribunaux en comparution immédiate". (lire à ce sujet : "Fermeté", "respect" et "action"). Il a précisé qu'il dévoilerait lundi un ensemble de mesures pour avancer dans la République que nous souhaitons", celle de "l'égalité des chances". Le Premier ministre s'exprimera lundi soir au 20h de TF1. Les violences dans les banlieues, nées à Clichy-sous-Bois le 27 octobre et localisées dans un premier temps en Seine-Saint-Denis, se sont ainsi progressivement propagées (Lire Les violences s'amplifient), les fauteurs de trouble s'adaptant à la réponse policière.
L'Union des organisations islamiques de France a appelé les jeunes musulmans concernés à "calmer leur colère, à méditer et à se conformer à la fatwa" édictée dimanche. Dans cette fatwa "il est formellement interdit à tout musulman recherchant la satisfaction et la grâce divine de participer à quelque action qui frappe de façon aveugle des biens privés ou publics ou qui peut attenter à la vie d'autrui". Selon l'UOIF ces évènements "semblent mettre à nu les graves défaillances du modèle d'intégration français qui plongent manifestement des dizaines de jeunes des quartiers difficiles dans le désespoir et la misère".
SOS Racisme dénonce le "sensationnalisme" des médias
SOS Racisme dénonce le traitement "sensationnaliste" des violences en banlieues par les médias qui pourrait conduire selon l'association à faire progresser l'extrême-droite. SOS Racisme exprime "sa grande inquiétude" et "sa colère", estimant que certains médias font preuve d'irresponsabilité en présentant les violences "comme une guerre civile" et les habitants des banlieues comme "des sauvages". "Un tel traitement de l'information ne peut qu'augmenter la frustration de tous ceux, d'ailleurs la majorité, qui oeuvrent pour la paix dans les quartiers et qui ont choisi de faire valoir leurs droits dans le calme et la dignité", poursuit l'association.