Le Kenya a reconnu officiellement samedi la République arabe sahraouie démocratique (RASD), entraînant le rappel par le Maroc de son ambassadeur à Nairobi en signe de protestation.
"Nous avons établi des relations diplomatiques avec eux", a déclaré à l'AFP le porte-parole du gouvernement kényan Alfred Mutua. L'accord a été signé samedi matin, a-t-on indiqué de source diplomatique à Nairobi.
La RASD a été proclamée le 27 février 1976 par le Front Polisario, qui lutte depuis plus de trente ans pour l'indépendance du Sahara occidental.
Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est revendiqué à la fois par le Maroc qui a annexé ce territoire en 1975 et le Polisario, soutenu par l'Algérie, qui lutte pour son indépendance.
"Ils sont maintenant libres d'ouvrir leur ambassade ou une représentation diplomatique au Kenya, mais cela ne veut pas dire que nous pouvons en faire autant là-bas", a précisé M. Mutua.
"Durant longtemps, nous avons entretenu avec cette région des relations informelles (...) et nous avons pensé qu'il était temps de les officialiser", a ajouté un responsable kényan sous couvert de l'anonymat, qui a précisé que le Kenya "soutient le Sahara occidental dans la quête de son indépendance".
En reconnaissant la RASD, le Kenya s'est aligné sur la position de l'Union africaine (UA), a souligné M. Mutua.
La RASD avait été admise comme membre à part entière au sein de l'Organisation de l'unité africaine (OUA, prédécesseur de l'actuelle UA) en novembre 1984. Le Maroc, qui rejette toute idée d'indépendance, avait quitté l'OUA le jour-même en signe de protestation.
Immédiatement après l'annonce de la reconnaissance de la RASD par le Kenya, le Maroc a décidé de rappeler en consultation son ambassadeur à Nairobi.
"Le royaume du Maroc déplore vivement la décision injustifiée et injustifiable annoncée ce jour par le gouvernement du Kenya de reconnaître la pseudo +RASD+ et d'établir avec elle de soi-disant +relations diplomatiques+", a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué diffusé par l'agence marocaine Map.
Le ministère a estimé également que "les autorités kenyanes ont pris la responsabilité non seulement de porter atteinte aux relations traditionnelles (...) entre les deux pays frères, mais également d'exclure leur pays, par leur discrédit, de toute contribution possible à la solution politique recherchée dans le cadre de l'ONU".
Le porte-parole kényan a refusé de réagir à la décision de Rabat. "Nous commenterons quand cette décision sera appliquée", a déclaré M. Mutua.
"Notre relation avec le Maroc continue à être très forte, et nous poursuivrons nos relations bilatérales, pour le bénéfice mutuel du Kenya et du Maroc", a-t-il ajouté.
Rabat assure également que "l'annonce kenyane coïncide avec le déclenchement d'une campagne virulente menée par l'adversaire de toujours de l'intégrité territoriale du Maroc (...)", en allusion à l'Algérie.
Une récente réaffirmation par Alger de son soutien au Front Polisario avait conduit le roi du Maroc Mohammed VI à décider de boycotter le sommet de l'Union du Maghreb arabe (Uma) prévu les 25 et 26 mai à Tripoli, et qui a finalement été reporté sine die.
Par ailleurs, des incidents violents fin mai à El Ayoun, chef-lieu du Sahara occidental, opposant des Sahraouis aux forces de l'ordre, ont été largement imputés par la presse marocaine à des "consignes" qui seraient venues du Polisario et des autorités algériennes.
Le Maroc avait également rappelé son ambassadeur à Pretoria le 15 septembre 2004, après que l'Afrique du Sud eut établi des relations diplomatiques avec la RASD.
Selon une étude parue au Maroc en 2002, le nombre des pays qui reconnaissent la RASD, essentiellement asiatiques et africains, serait passé ces dernières années de 75 à "une quarantaine". Pour leur part, les grandes puissances ne se sont jamais prononcées.
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