Les Juifs marocains se félicitaient mardi que leur nouvel an et le début de Ramadan tombent cette année au même moment et espéraient que ce hasard de calendrier rapproche les deux communautés dans ce pays où ils disent s'être toujours bien sentis.
Pour le premier jour de Roch Hachana, une soixantaine de juifs s'étaient rassemblés pour prier dans la synagogue Talmud Torah, dans le centre de Rabat, alors que cette communauté jadis florissante ne compte plus que 200 âmes dans dans la capitale.
Avant d'entrer dans le lieu de culte situé dans un modeste bâtiment, les hommes, en costume, placent la kippa sur leur tête et le talit (châle de prière) sur leurs épaules. A l'intérieur, ils prient pour que la nouvelle année juive soit bonne. Les femmes cachées derrière un rideau, suivent l'office.
A l'extérieur, un seul sujet préoccupe leurs compatriotes musulmans: quand débutera le ramadan, le mois de jeûne? "Demain, inch'allah", affirment la plupart d'entre eux. En attendant, les étals regorgent de mets festifs.
"Il est très rare que ces deux fêtes juives et musulmanes coïncident", indique le quinquagénaire David Toledano, secrétaire général de la communauté hébraïque de Rabat, expliquant que ces deux fêtes, fixées en fonction du calendrier lunaire, ne tombent jamais au même moment dans l'année. Le ramadan, par exemple, est décalé chaque année de 12 jours.
Le 13 octobre, pour Yom Kippour (Grand Pardon), les juifs jeûneront durant 27 heures. "Nous partagerons donc avec nos frères musulmans ce moment très fort", se félicite M. Toledano. Les deux communautés ne rompront cependant pas le jeûne ensemble, puisque ce moment se déroulera à deux heures de différence.
Pendant le mois de Ramadan, vont se succéder plusieurs fêtes religieuses juives: Outre le Nouvel an, il y aura le Yom Kippour puis Souccot (la fête des cabanes) qui dure huit jours...
"Nous prions tous le même Dieu, j'espère donc que ce mois rapprochera nos deux communautés", explique Raffi, qui fait une pause devant la synagogue entre deux prières. "J'espère que les prières des deux communautés iront dans le même sens, vers la paix et vers moins de fanatisme", ajoute cet homme qui refuse de donner son nom.
"Dans tout le monde arabo-musulman, c'est au Maroc que les deux communautés s'entendent le mieux", se félicite Raffi. "Nous n'avons jamais été persécutés ici", déclare-t-il.
Son épouse Yvonne, estime qu'il y a "un vrai respect entre les deux communautés au Maroc, dans la vie de tous les jours". "Quand on aborde la question du Proche-Orient, on sent toutefois que nos idées divergent", ajoute-t-elle.
Cette année, elle privilégiera les coutumes juives, même si dans le royaume, les célébrations sont un mélange de traditions hébraïque et marocaines. Pour le repas de Roch Hachana a préparé un couscous traditionnel.
Raffi regrette que sa communauté se réduise comme peau de chagrin. Dans les années 50, il y avait 350.000 juifs au Maroc et il y en a aujourd'hui à peine 4.000. Sur 164.000 juifs que comptait le royaume en 1960, plus de la moitié, ont émigré entre 1961 et 1964 pour Israël, l’Europe ou l’Amérique.
"Je crains que notre communauté ne vienne à disparaître", explique-t-il, montrant du doigt les personnes présentes, en majorité des sexagénaires.
Mais David Toledano se veut plus optimiste: "une communauté ne s'éteint jamais", assure-t-il, ajoutant: "les Juifs resteront présents au Maroc".